La restauration a-t-elle une responsabilité sociétale dans sa force de proposition de menus ?
Et puis quoi encore ? Une responsabilité de plus pour les restaurateurs ? Eux qui ont déjà du mal à nous dépêtrer de nos charges et à fidéliser des clients infidèles… Ce client de restaurant qui veut toujours plus de sensations et qui a toujours plus besoin d’une accréditation de type guide Michelin, Trip Advisor, avant d’essayer quelque chose de nouveau, d’ancien, de correct, de valeur…
Le prix ou la qualité
Ce même client de restaurant à la recherche de la qualité ira néanmoins fréquenter les chaînes de restauration industrielles au point d’alimenter chaque unité d’au minimum 2 millions d’Euros de CA, même dans les villes de rase campagne.
En même temps, il faut le comprendre ce client. Il n’a pas beaucoup d’argent, aime bien le gras, le sucré, le salé et, au moins, il est sûr d’en avoir pour son argent. Ce qui est loin d’être le cas chez de nombreux restaurants indépendants. Il sait bien que la photo publicitaire du Big Mac montre un produit nettement plus copieux que la réalité mais il fait avec, tellement il en a marre d’être mené en bateau avec des steak frites à 9 ou 10€ des menus enfants de nos restaurants dits classique.
Finalement, les tendances de la clientèle, pour contrecarrer la politique du prix en faveur de la qualité, arrangent tout le monde : la planète, ceux qui ont besoin de nouveauté, ceux qui veulent une vie plus saine, bref la conscience individuelle et celle qui est collective. Et il faudrait que ce soit le restaurateur qui participe au débat en payant de quelques points de baisse de chiffre d’affaires une responsabilité sociétale sous tendue par une attention aux circuits courts de l’approvisionnement, à la mise en valeur des produits du terroir et, si possible, par l’achat de produits bio.
La fin d’un cycle
Et pourtant ? Ne sommes-nous pas à la fin d’un cycle où, pour nourrir le bétail qui servira à produire une partie des burgers, il faille racler le fond des océans pour faire de la farine d’anchois et planter du soja en Amazonie à la place de la forêt primaire ?
Reste qu’il existe bel et bien une lame de fond où une partie des comportements de la clientèle change. Et tous ne sont pas des bobos. Dès lors, pourquoi ne pas leur faire plaisir ? Pourquoi ne pas vous faire plaisir ?
Moins c’est mieux
Moins de quantité, plus de qualité pour arriver au même degré de satiété. Moins d’articles à la carte pour réduire les pertes.
Nommer les partenariats avec les fournisseurs, détailler par écrit tout le travail réalisé en amont pour que le client comprenne, ne pas juste mettre sur le menu le logo « Fait maison » et, s’il le faut, écrire en gros partout que le produit que le client a dans l’assiette a nécessité du temps et de la sueur pour qu’il lui parvienne. Et ça, les restaurateurs indépendants ne le font pas ou le font mal. Et quand je leur dis, ils n’en voient pas forcément l’intérêt. La restauration de chaîne l’a bien compris, elle, l’intérêt de communiquer. Quand on arrive à mettre en avant les points de différentiation commerciale du point du vue de la qualité, je vous assure que la question du prix du menu devient moins primordiale dans une stratégie de positionnement d’un restaurant.
Communiquez donc !
Comment, me direz-vous ? En informant, ne pas faire l’économie d’informer.
L’origine des ingrédients, la façon dont ils sont élevés, chouchoutés, cuisinés. Parfois, seule l’énumération de quelques ingrédients judicieusement choisis permet de vendre carrément mieux un plat. Informez, soyez à la hauteur de la restauration de chaîne. Couleurs, charte graphique, détails, concept, web… Informez vos clients qui ne vous connaissent pas que vous ne faîtes pas partie de la masse, de la moyenne finalement trop médiocre.
Racontez leur une histoire, votre histoire.
Depuis tout ce temps que je passe dans les restaurants, si j’ai compris une chose, c’est qu’on allait au restaurant pour vivre quelque chose de différent. Oui, trop souvent, les enfants préfèrent un cordon bleu au micro onde qu’une endive au jambon. Et j’aime bien les burgers. Vivent les burgers, tout n’est qu’affaire de proportions. La responsabilité sociétale est une affaire d’individus. Chacun fait ce que bon lui semble avec sa conscience et la loi. Mais proposer quelque chose de nouveau, plus sain et finalement plus honnête sans doute, est une belle opportunité commerciale pour les restaurateurs. Ne comptons pas sur l’industrie pour proposer quelque chose de moins rentable aux consommateurs.
Éditorial de Laurent Pailhès
Septembre 2015
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