La définition des prix de vente en restauration est l’effet combiné d’une analyse des prix de la concurrence et du calcul du coût matière standard. On oublie souvent l’analyse des comportements de la clientèle fréquentant le restaurant. A l’heure où le modèle économique est bouleversé par l’arrivée de nouveaux acteurs en RHF et par l’augmentation du coût des matières premières, le restaurateur peut-il ajuster ses prix de vente tout en conservant ses clients ? Laurent Pailhès nous en parle et nous livre ses conseils.
Le prix de vente d’un restaurant peut-il évoluer en fonction de l’augmentation des coûts des matières premières ?
L’élasticité des prix de vente en restauration se mesure grâce à l’analyse d’indicateurs : le ticket moyen HT selon le mode de service (sur place, à emporter, livraison), le taux de remplissage du restaurant et le nombre de vente à différents moments de la journée. Par exemple, si le prix de vente devient trop élevé pour le client de restaurant, le fléchissement des ventes est un indicateur.
J’observe deux phénomènes qui empêchent de mesurer correctement l’élasticité des prix de vente en restauration : 1) L’absence de questionnement du mode de calcul des indicateurs fournis par les logiciels de caisse 2) L’analyse trop rapide de l’origine des fluctuations des indicateurs. Pour un restaurant de plus de 500 K€ de CA annuel, il est nécessaire de consacrer 4 heures par mois à l’analyse de ces indicateurs de gestion qui sont en réalité des indicateurs de la relation produit / client.
Ensuite, il faut savoir décoder les retours clients. Lorsqu’un client exprime un avis considérant que la prestation est trop chère, il peut s’agir d’autre chose que le prix. Rares sont les clients qui disent changer de restaurant favori parce que le rapport qualité prix n’est plus à leur avantage. Ils évoqueront des déceptions au niveau de l’accueil, du goût, du service… Être attentif aux comportements de la clientèle, repérer ce qui est un fait d’une interprétation aident à mieux évaluer la justesse du rapport qualité prix.
Le client de restaurant continuera-t-il à aller au restaurant si celui-ci devient trop cher en raison de l’augmentation du coût des matières premières ?
Ralentir l’augmentation des prix de vente par rapport à l’augmentation systémique du coût de revient des matières premières amène un avantage concurrentiel pour plusieurs raisons :
1) Les concurrents qui n’ont pas un contrôle de gestion rigoureux n’auront pas d’autres choix que d’augmenter les prix de vente.
2) Les concurrents qui ne paient pas les fournisseurs à temps auront plus de mal à être livrés.
3) Les concurrents qui ont un modèle économique tendu, notamment avec des exigences de rentabilité nette ou des loyers élevés, auront du mal à maintenir leurs prix de vente.
Avant que le prix de vente d’un restaurant ne devienne déconnecté du prix du marché, il y a un certain nombre de choses à faire en interne qui éloignent ce scénario du pire.
Quelles sont les marges de manœuvre dont dispose un restaurateur pour absorber l’évolution des coûts des matières premières ?
Un restaurateur avisé aura intégré le fait que, sans ses fournisseurs de nourriture et de boissons, sa prestation devient caduque. Les bons produits ne sont pas accessibles au plus grand nombre. En restauration, pressuriser les prix d’achat est contre-productif, tout comme allonger les délais de règlement. La proximité et l’attention permanente à la qualité relationnelle avec les fournisseurs sont la clé du succès de la restauration de demain.
Analyser les écarts de consommation nourriture et boissons par rapport à la consommation théorique est la 2ème chose à faire en interne. Pourquoi le client paierait-il les effets d’une gestion approximative ? Pour cela, un inventaire complet s’impose une fois par mois. L’analyse du taux de déchets s’impose également. La gestion des consommations d’eau est aussi à surveiller.
La 3ème chose consiste à identifier des déclinaisons possibles de recettes en cas d’augmentation brutale des prix ou en cas de rupture d’approvisionnement. Que peut-on mettre à la place du riz ? De l’huile de tournesol ? Il existe des solutions de remplacement par d’autres produits qui seront tout à fait acceptées par la clientèle. Ces solutions s’anticipent.
Enfin, consacrer de l’énergie pour réduire la pression des tiers extérieurs au métier de restaurateur. Ce sont les actionnaires qui attendent une optimisation du résultat net, ce sont les bailleurs qui attendent un loyer maximum et ce sont les financeurs de matériels et d’équipement qui prêtent à des conditions prohibitives.
Je suggère pour conclure de construire un outil qui permettre de mesurer en continu l’évolution du coût matière, soit le rapport entre le prix de vente et le coût de la fiche technique. Si le prix d’achat d’un article évolue, il pourra instantanément voir l’évolution du ratio. Souvent, l’impact est modeste. Cela permet de relativiser les effets d’annonce d’augmentation des prix.
Je conseille également de mettre en place un indice des prix dans le restaurant, calculé au moins une fois par an sur une sélection d’articles représentatifs (farine, blé, beurre…), ce qui fournit une image claire de l’évolution des coûts.
Pour en savoir plus sur la marche à suivre pour mettre en place une politique de prix de vente respectueuse du modèle économique de votre établissements ou de vos établissements, contacter Laurent Pailhès en cliquant ici
Laurent Pailhès
Consultant gérant de NEO Engineering
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Propos recueillis pour le magazine BRA Tendances Restauration.