La question de la mesure dans l’entreprise
La progression du chiffre d’affaires est l’indicateur communément admis pour mesurer le dynamisme et la santé d’une entreprise. Le secteur de l’hôtellerie restauration dispose de tout un panel d’indicateurs de performance : taux de remplissage, taux d’occupation, ticket moyen, prix moyen de la chambre louée…
La vertu créatrice d’une entreprise se mesure donc généralement en capacité de générer du chiffre d’affaires et, si le back office est cohérent, en volume d’espèces sonnantes et trébuchantes dans le tiroir caisse.
Hôtelier, restaurateur, comment trouver de la mesure ? Mesure-t-on la performance d’un coureur du 100m ou celle d’un marathonien ? Compte tenu de la longueur de temps pour rembourser les crédits immobiliers, il me semble que l’image du marathonien est davantage adaptée. Créons donc des indicateurs en rapport avec les préoccupations.
La place d’une entreprise dans la vie économique et sociale de sa région pourrait être mesurée de façon sensiblement différente. Tout d’abord, la longévité d’une entreprise est un facteur autrement plus important que la croissance. Peu importe les fluctuations du chiffre d’affaires, tant qu’une entreprise est présente sur son marché, elle joue son rôle de maillon de chaîne et tient sa promesse délivrée lors de la demande du numéro de Kbis. Les exemples de délocalisation de main d’œuvre ne manquent pas pour nous montrer que la croissance du chiffre d’affaires, ou du PIB à l’échelle d’un État, est moins importante que l’existence elle-même de la capacité de production. Tout simplement.
Ensuite, le climat social, le degré de bien être des collaborateurs ont un impact direct, mais bien entendu plus difficilement mesurable, sur la valeur d’une entreprise. La clientèle est l’élément le plus important du fonds de commerce. Or, le chiffre d’affaires d’un hôtel restaurant n’est-il pas dépendant de la capacité des collaborateurs à bien servir les clients ? Lorsqu’on achète un fonds de commerce, ne rachète-t-on pas aussi les contrats de travail ? Il est temps d’accorder plus d’importance à des identifiants de valeur certes plus subjectifs, mais non moins mesurables, que sont le turnover des collaborateurs, l’ancienneté, la qualité des rapports avec la hiérarchie.
Notons aussi l’aubaine qu’est la prise de conscience du client dans la politique de développement durable. L’entreprise pourrait mesurer sa capacité de prise en compte de l’environnement (recyclage des déchets, consommation d’énergie, utilisation de matériaux et de produits écologiques…) et communiquer auprès de ses clients les résultats de son comportement écologique (évolution de son empreinte carbone…).
Enfin, l’injonction de progression du chiffre d’affaires peut être insoutenable pour le patron lui-même, surtout parce qu’il n’en perçoit pas directement les bienfaits. En effet, en mesurant ce qu’il reste dans le tiroir caisse, le décalage fréquent entre la croissance du chiffre d’affaires et le solde du compte en banque de l’entrepreneur est le résultat de plusieurs facteurs : qualité de sa gestion, hauteur des prélèvements sociaux, rémunération des actionnaires, rémunération du fait financier. Ce décalage est perçu à juste titre de façon défavorable par l’entrepreneur : ce dernier s’investit davantage chaque année pour produire toujours plus de chiffre d’affaires sans en obtenir de retour sur investissement personnel immédiat, si ce n’est la valorisation hypothétique du fonds de commerce qui ne trouvera sa justification réelle que si l’acte de vente se conclut vraiment à terme.
La progression du chiffre d’affaires est un indicateur parmi d’autres. Une entreprise peut avoir atteint son seuil maximum et vivre durablement. L’adoption d’indicateurs raisonnés sur fond d’investissements socialement responsables est une opportunité pour le bien être de l’entreprise, localement et durablement.
Éditorial de Laurent PAILHES
Septembre 2012
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