Les apports d’une étude de faisabilité en restauration
Les apports d’une étude de faisabilité en restauration
Propos recueillis par Anthony Thiriet pour le magazine BRA Tendances Restauration.
Revenons un instant sur la signification du mot étude. Le sens apporté aux mots traduit la signification attendue par celle ou celui qui le lit, et donc qui l’interprète. Dans un monde où le langage se simplifie au point d’exprimer nos émotions par des émoticônes, il est important que le restaurateur précise le sens qu’il porte à une étude de faisabilité. Dans le langage commun, sans doute vulgarisé, une étude fait nécessairement intervenir l’expert qui va poser son diagnostic. C’est vrai et incomplet. Dans le langage élaboré, une étude va créer les conditions d’expression d’un projet comme si celui-ci existait déjà, et l’évaluation de la faisabilité se fera naturellement par le porteur de l’idée.
Les vertus d’une étude de faisabilité sont dès lors immenses. Comme son déroulement, lorsqu’il est fait avec tact, permet à son commanditaire d’en ressentir les conditions de sa faisabilité, et ce sans investissement massif, elle permet de réaliser de grandes économies de temps et évidemment d’argent, qui peut alors être utilisé autrement. Si l’étude révèle une faisabilité positive, celle-ci aura permis de convoquer dans un retro planning les tâches et les partenariats qui s’imposeront naturellement. Là encore, un gain de temps et d’argent.
Quelles sont les caractéristiques d’une étude de faisabilité financière en restauration ?
A celles et ceux qui doutent de ces vertus, notamment parce que la concrétisation d’un projet de restaurant peut coûter plus cher que la prévision, et donc rendre caduque les conclusions de l’étude qui aura été réalisée avant la dite réalisation du projet, il faudra bien leur concéder une carence forte aux experts qui tendent à flatter les projets de leurs clients. Le restaurateur doit donc s’assurer dans les conclusions qui lui sont remises d’ores et déjà deux choses : 1) la hauteur de l’investissement est plutôt sur évalué que sous-évalué 2) les effectifs prévisionnels ont été établis comme si le restaurant existait déj. Et cette prévision d’effectifs constitue la base de calcul de la masse salariale prévisionnelle. Naturellement, les rémunérations de la gérance et du management sont prévues au prix du marché.
Quelles sont les spécificités d’un produit de restauration ?
Le produit d’un restaurant présente des caractéristiques particulières, qui vont influencer fortement le déroulement d’une étude de faisabilité économique :
- Il existe presque toujours un potentiel de clients prêt à consommer un produit de restaurant. Des restaurants sont construits dans des endroits les plus reculés ou les plus hostiles de la planète.
- L’acte d’achat du produit restaurant est récurrent, potentiellement quotidien. Le client qui est vraiment satisfait d’un restaurant revient donc plusieurs fois dans l’année.
- Le produit est composite. Il y a le produit nourriture et boissons. Et il y a de façon simultanée le service rendu au client, partie intégrante du produit. Par conséquent, la faisabilité d’un restaurant se fonde en grande partie sur l’enthousiasme, le goût et l’expérience de l’entrepreneur, lequel pourra plus ou moins communiquer l’exigence de qualité d’accueil et de service selon le niveau de son propre engagement.
- Une concurrence accrue n’est pas nécessairement un point négatif. En restauration, le monde attire le monde.
- Et enfin, il est facile de trouver une place pour un nouveau projet de restaurant. Il est nettement plus difficile de s’y maintenir.
Quels impacts sur la réalisation de l’étude économique du projet ?
Tout d’abord, et c’est plutôt une bonne nouvelle, il est facile de trouver une place pour un projet nouveau de restaurant. La conjoncture est bonne dans ce métier, qui crée du lien social et des moments singuliers.
Ensuite, s’il y a des concurrents, c’est plutôt bon signe. Une zone d’étude où le degré de concurrence est faible appelle peut-être plus d’attention encore dans le déroulement de l’étude.
La particularité un peu moins évidente dans ce métier est que les tendances affichées, ainsi que le bon sens collectif, ne sont pas les garants de la faisabilité. D’une part parce que beaucoup de clients veulent manger gras, sucré et salé et d’autre part, parce que beaucoup d’entre eux cherchent un prix. Donc, le projet de privilégier une restauration qualitative est séduisant mais n’est pas garant à lui seul de la faisabilité.
Il convient donc de bien tester le produit que veut réaliser le restaurateur et de creuser les conditions qui ont permis la réalisation de projets similaires. C’est ce que l’on appelle l’étude conceptuelle.
Quels conseils donneriez-vous pour vraiment bénéficier des vertus d’une étude de faisabilité ?
Je citerai quatre points de vigilance pour gagner du temps et de l’argent grâce à une étude de faisabilité :
- Rédiger immédiatement le contenu de la carte nourriture et boissons en dressant la mercuriale et la challenger en faisant des ateliers de dégustation
- Tester la réponse supposée du marché en privilégiant la chalandise à proximité vraiment immédiate. Les clients qui viendront de plus loin, ce sera un plus.
- Jalonner les conditions de la rentabilité en rentrant les paramètres réalistes de chiffre d’affaires et de charges
- Questionner les acteurs économiques de la région pour créer un terreau favorable au déploiement du projet.
Laurent Pailhès
Consultant gérant de NEO Engineering
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Propos recueillis par Anthony Thiriet pour le magazine BRA Tendances Restauration.