Où en sommes-nous vraiment avec l’expérience repas ?
Où en sommes-nous vraiment avec l’expérience repas ?
Tout le monde parle d’expérience repas ou d’expérience client, aujourd’hui, dans l’univers des CHR et bien au-delà.
Mais de quoi parle-t-on au juste ? Comment définir cette notion et comment évolue-t-elle depuis son apparition ? Comment le restaurateur ou le bartender peut-il vraiment améliorer cette « expérience », et qu’a-t-il à y gagner ?
Eléments de réponses avec Laurent Pailhès, du cabinet NEO Engineering.
Propos recueillis par Anthony Thiriet pour le magazine BRA Tendances Restauration.
● Comment définiriez-vous l’expérience repas aujourd’hui ?
Laurent Pailhès : Cette expression synthétise le moment passé par le client dans un restaurant, mais pas seulement : elle intègre l’ensemble des perceptions ressenties le client. L’expérience repas suit le même processus qu’une représentation artistique : l’anticipation, la réalisation et le souvenir.
Elle commence donc avant l’entrée du client dans le restaurant, et finit après qu’il en soit parti. Dès lors, les clients choisissent tel établissement plutôt qu’un autre parce qu’ils veulent vivre un évènement qu’il sera seul à leur apporter.
● Comment voyez-vous évoluer cette expérience repas ?
L.P. : La notion d’expérience repas a fait son chemin depuis le temps où elle a commencé à émerger en restauration. Depuis une dizaine d’années, la notion d’« expérience » a été largement reprise ou explicitement développée, peu à peu, par tous les secteurs d’activité souhaitant montrer qu’ils s’intéressent à leurs clients : banques, assurances, constructeurs automobiles, centres commerciaux, grande distribution (voir aussi notre Grand Angle p. 33-40, ndlr)…
● La démarche est-elle toujours bien authentique ?
L.P. : Elle l’est rarement ! Souvent, l’entreprise se préoccupe de l’enchantement du client dans l’objectif premier de prouver – sur le papier – qu’elle crée de l’unique, du divin. Elle force alors le destin d’un retour sur investissement potentiellement exceptionnel via des données souvent mal fondées.
Car, ne nous y trompons pas, le retour sur investissement peut dépasser toutes les espérances si le client est transporté d’émotions. Seulement voilà, les outils de quantification de la valeur de l’expérience client présentent des biais, parce qu’on ne prend pas le temps de véritablement mesurer le qualitatif, et parce qu’on ne convoque pas la ressource qui sait comment le mesurer.
● De quelles types de process parlez-vous ?
L.P. : L’enchantement client peut être mesuré par des outils comme le « Net Promoter Score ». L’approche de cette méthode ne manque pas d’intérêt, mais l’interprétation de ce NPS peut être biaisée si le client est incité à répondre dans les bonnes cases. Sonder l’âme d’un client avec l’immédiateté d’une méthode est un faisceau parmi d’autres. Mais, si le client est orienté dans ses réponses, l’outil n’a plus aucun intérêt. Or, tout le monde sait aujourd’hui que pour bien évaluer un vendeur ou une prestation, les notes qui ne sont pas excellentes comptent pour zéro dans l’interprétation du NPS.
● Selon vous, comment évolue la relation client, pilier de ce NPS, en RHF ?
L.P. : Je retiens 4 changements majeurs depuis une dizaine d’années :
1/ L’acceptation de l’importance de l’expérience client par les acteurs du métier ; au sens où les restaurateurs recherchent la baguette magique censée sublimer ce qu’ils ont à offrir, sans trop savoir comment, et sans trop savoir si c’est vraiment nécessaire pour leur affaire.
2/ La formidable poussée du digital, mais qui déshumanise la relation client, alors même que c’est en grande partie l’humanisation dans la relation produit/client qui crée l’enchantement tant recherché.
3/ Le désengagement affectif des gens qui travaillent dans la restauration, du fait du manque de sens dans l’exercice de leur métier. Pour certains, cette absence de sens est externe à la restauration. D’autres regrettent qu’elle ne soit pas questionnée par un travail d’intégration et de formation de la part des employeurs.
4/ Un métier rendu attractif à de potentiels investisseurs en raison de la capacité nouvelle de générer des plus-values financières, grâce au développement du snacking, des halles de restauration, des modèles de franchise… Phénomènes conjugués avec l’essoufflement d’autres métiers dans l’industrie et dans les soins à la personne, par exemple.
● En quoi cela change-t-il fondamentalement le statut du métier ?
L.P. : Le secteur de la restauration n’est plus celui de l’évènementiel rompant avec la temporisation d’un individu client ; il participe à l’emballement général d’une mécanique censée provoquer de l’émotion chez des gens qui recherchent l’unique et l’essentiel.
Après tout, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas accepter une évolution dans la relation client quand c’est aussi le client qui le demande ?
Le client peut être livré, bénéficier du meilleur sourcing, être accueilli avec le sourire, avoir des produits goûteux, le tout au meilleur rapport qualité/prix…
● Selon vous, comment cela a-t-il été rendu possible ?
L.P. : En réduisant la main d’œuvre en salle, les portions dans l’assiette et une bonne partie des protéines animales. Et en développant des produits à fort taux de marge commerciale, comme les pizzas et les cocktails.
Il convient dès lors de reposer les bases de l’expérience client ; de se poser vraiment les questions qui vont servir la relation produit/client, plutôt que de créer artificiellement un satisfecit. Être restaurateur, c’est aussi être animé par une passion qui fait le lien entre des éleveurs de produits et des clients qui ne savaient pas que de tels produits, ou que de telles interprétations de ces produits, existaient.
On le voit, l’expérience client possède en elle-même quelque chose d’archaïque, de bestial même, qui fait que l’acte de satisfaire des besoins vitaux est rendu possible par un professionnel qui a vraiment envie de le faire. De là, et de là seulement, peut naître une émotion.
● L’analyse de l’expérience client intègre donc des critères irrationnels et subjectifs…
L.P. : Forcément, oui. Cette analyse pose des questions dont les réponses sont autant multiples qu’il existe de restaurants. La remise en question de la valeur ajoutée, du point de vue de l’enchantement client, est novatrice, rentable voire très rentable, à partir du moment où la démarche est désintéressée du retour sur investissement financier.
Questionner l’expérience client pour faire plus d’argent amène moins de valeur que questionner l’expérience client pour améliorer sa méthode.
Pour en savoir plus sur la façon d’améliorer l’expérience client dans votre (vos) restaurant(s), contacter Laurent Pailhès en cliquant ici
Tél. : 04 91 71 35 82
Laurent Pailhès
Consultant gérant de NEO Engineering
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Propos recueillis par Anthony Thiriet pour le magazine BRA Tendances Restauration.