Réduire le gaspillage dans un restaurant permettrait au restaurateur de réaliser des bénéfices facilement mesurables. Pourtant, force est de constater que la mise en œuvre est difficile. Quels enjeux se cachent derrière la chasse au gaspillage dans la restauration ? Laurent Pailhès nous en parle et nous livre ses conseils.
Comment un restaurateur peut-il s’y prendre pour réduire le gaspillage dans son restaurant ?
L’argument de l’économie ne semble pas suffisant. Et pourtant, le bénéfice est substantiel : j’estime à 5% du chiffre d’affaires au moins le bénéfice supplémentaire engendré par la mise en œuvre de bonnes pratiques en la matière. Mais comme souvent, l’effort à fournir pour changer les choses est supérieur au bénéfice qu’il procure, tout au moins à court terme.
Prenons l’exemple du restaurateur qui a intégré par sa formation et par sa vocation ce que sont les bonnes pratiques, soit l’ensemble des gestes professionnels et des règles de l’art. En cuisine gastronomique, le filet de sole est-il levé avec le bout de chair près de la tête du poisson ? En restauration rapide, le pédoncule de la tomate est-il retiré avec trop de fruit autour ? Idem pour les fraises ? En brasserie, le papier d’emballage du beurre à la poubelle contient-il un peu de reste de beurre ?
Le restaurateur est trop encombré par le quotidien, trop préoccupé pour garder les bonnes personnes à leur postes pour trouver l’énergie, sans parler de disposition d’esprit, nécessaire à imposer ces bonnes pratiques. Il faut pour cela être avec les gens tout le temps, il faut former tout le temps et c’est jamais gagné… sauf à ce que les collaborateurs eux-mêmes intègrent ces bonnes pratiques. Rare sont les restaurants qui y parviennent.
Et pourtant, en conduite du changement, chacune des étapes de la mutation sont bien connues. On peut s’inspirer de divers modèles, comme celui de Kotter. Et commencer par la création d’un sentiment d’urgence.
A court terme, donc, le jeu n’en vaut donc visiblement pas la chandelle. Et je rappelle que cette chandelle vaut 5% du chiffre d’affaires.
Pourquoi est-ce si difficile de mettre en place les bonnes pratiques?
Le profil d’un commerçant n’est pas celui d’un logisticien ou d’un ingénieur. Un restaurant est un lieu où des gens se rencontrent, où on y mange et on y boit et où le service fait partie intégrante de la production. Ce sont du sourire, des éclats de voix, des larmes, des émotions. Je m’appuie sur les études des différents modèles de la personnalité pour dire qu’il est compliqué pour un profil de commerçant d’analyser méthodiquement ce qu’il va trouver dans les poubelles de son restaurant. Ce n’est pas une préférence naturelle. Ce n’est pas non plus une préférence naturelle que de supprimer les emballages plastiques pour un commerçant, mais une contrainte.
Et pourtant, tout le monde peut changer de paradigme en cas d’urgence. Devant la nécessité de changer, un commerçant peut tout à fait implémenter une liste de choses à faire et les vérifier tous les jours, pour peu qu’il n’en ait pas le choix.
Se pose donc la question du choix ?
Oui, ou plutôt de la nécessité. Je distingue trois vecteurs pour que la nécessité devienne le déclencheur, puisque celui de l’argent économisé ne suffit pas. Avec l’envol du coût des matières premières, l’argument de l’économie peut cependant avoir une nouvelle chance.
Le premier vecteur pour une transformation des pratiques et des esprits est la conviction : le restaurateur agit par conviction personnelle, ce qui devient une nécessité.
Deuxième vecteur : la réponse clients. Si les clients se détournent des restaurants qui n’œuvrent pas pour le bien commun, la transformation des pratiques pour le restaurateur deviendra nécessaire. C’est un fait qu’une typologie de clients veulent des plats avec des produits sains. C’est aussi un fait qu’une typologie de clients veulent du gras, du sucré, du salé.
Troisième vecteur : la loi. Le législateur peut influer, comme il peut le faire sur la question des emballages, sur l’adoption de bonnes pratiques. Personnellement, je ne pense pas que la loi imposera quoi que ce soit dans les 2 à 3 ans à venir aux restaurateurs indépendants pour réduire le gaspillage.
Quels conseils seraient à privilégier pour un restaurateur qui voudrait agir pour réduire le gaspillage dans son restaurant ?
Si la réponse est engagée et ferme sur le but à atteindre, je pourrai alors proposer les axiomes suivants :
• Exprimer un sentiment d’urgence au travers d’une réunion de sensibilisation avec le personnel
• Administrer un questionnaire cœur de métier individuel avec des collaborateurs sur l’amélioration des process
• Analyser à fréquence régulière un échantillon des poubelles clients et des poubelles cuisine pour définir un ratio mensuel de pertes
• Promettre une redistribution partielle des économies pour l’amélioration des conditions de travail
• Faire la liste de tous les produits nourriture et boissons qui sont emballés alors qu’ils sont consommés sur place
• Installer des économiseurs d’eau sur tous les robinets du restaurant
• Installer des compteurs divisionnaires et faire des relevés de consommation d’énergie tous les quinze jours
• Faire un inventaire mensuel des stocks de produits nourriture, boissons et emballages, conduit à deux personnes
• Créer un comité de réflexion « Comment faire pour instaurer un système de consigne ? »
• Confronter intelligemment le client de restaurant, si nécessaire, si l’utilisation dans les règles de l’art des restes alimentaires pose un problème commercial.
Pour en savoir plus sur la marche à suivre pour réduire le gaspillage dans un restaurant, contacter Laurent Pailhès en cliquant ici
Laurent Pailhès
Consultant gérant de NEO Engineering
Toutes les informations et données hébergées sur ce site sont protégées par un copyright. La reproduction et l’utilisation de la totalité ou d’extraits de données sont strictement interdites, sans l’autorisation préalable de NEO Engineering. (Loi n° 57-928 du 11/03/1957 sur la propriété littéraire, industrielle et artistique – Journal Officiel du 14/03/1957 et rectificatif Journal Officiel du 19/04/1957).
Propos recueillis pour le magazine BRA Tendances Restauration.