Comment utiliser l’Intelligence Artificielle en restauration ?
Les articles et les points de vue se succèdent autour du « potentiel énorme », de « l’opportunité irrésistible » quant à l’inclusion de l’Intelligence Artificielle dans la restauration. Il n’y a taper dans Google « intelligence artificielle restauration » pour accéder à différentes informations visant à faire bénéficier de cette formidable avancée.
Des algorithmes capables de détecter les restaurants qui rendent malades aux « chatbots » pour améliorer la relation client (source : Zenchef blog), il n’y a qu’un pas pour que la restauration ne devienne entièrement gérée et exploitée par du non humain. D’ailleurs, le premier restaurant généré par l’IA aurait ouvert ses portes le temps d’une semaine dans le nord de Sydney en Australie (source : actualités de Gault & Millaud).
Faut-il s’en féliciter ? Comment vous, restaurateur, pouvez-vous utiliser l’Intelligence Artificielle dans votre restaurant ? De quelles façons ? Est-ce souhaitable ?
Je définis le métier de restaurateur comme étant créateur de liens sociaux, de sensations et d’émotions inégalés en un lieu où on transforme de la nourriture et des boissons. Ceci étant posé, en effectuant la recherche ci-dessus de mon propos introductif dans Google, je prends acte que l’Intelligence Artificielle est déjà présente dans nos vies.
En cherchant les restaurants les mieux notés, les clients de restaurants utilisent déjà l’agrégation artificielle de données. L’avantage de ce point de vue, c’est que des restaurants jusqu’alors inconnus ou invisibles ont pu avoir accès à des clients de façon beaucoup plus rapide. L’inconvénient majeur, c’est que les restaurateurs des plus petits aux plus grands ont été transformés dans l’appréhension de leur métier et de leurs pratiques. Ils ont désormais une nouvelle épée de Damoclès matérialisée par le tranchant de l’avis client sur Google+ ou sur Trip Advisor. Tous les restaurateurs avec qui j’échange, qu’ils soient mes clients ou non, se plaignent d’avoir à exercer sur la pointe des pieds, avec la crainte permanente de ne pouvoir agir sur le process d’évaluation de leurs prestations. Les professionnels, des nouveaux aux plus anciens, se sentent dépossédés de leur valeur ajoutée comme, finalement, de la partie intangible de leurs fonds de commerce.
Dès lors, considérons froidement les nouvelles avancées proposées dans les articles qui nous exhortent de ne pas louper le train en marche.
Voici quelques promesses que font les promoteurs de l’IA pour la restauration : réduction du coût matière, limitation du gaspillage alimentaire, prédiction des ventes futures, gestion automatique des commandes fournisseurs, gain de temps, constitution de la carte, robotisation du service, reconstitution de recettes à partir d’une photo, livraison des plats par drones, processus automatisé de prise de réservations, analyse des habitudes des clients, prise de commande vocale et digitale en salle, renforcement de la qualité et de la sécurité alimentaire, préparation culinaire automatisé…
Rien que ça.
Une question et une seule : avons-nous réellement envie d’aller dans un restaurant géré par l’intelligence artificielle ? Effectivement, nous ne serions plus gênés dans l’exercice de restaurateur par une gestion des plannings compliquée. Ni par des prises d’initiative plus ou moins heureuses en cuisine.
Une pause s’impose. Et pas des moindres. Et pas seulement dans la restauration. Et mon propos n’est pas exactement le refus d’un monde qui change. Il est le refus d’un monde sans restaurants, sans recettes à moitié réussies et sans serveurs qui se trompent.
Une partie de la nouvelle génération et les agents de l’IA opposeront l’argument bien connu du manque d’adaptabilité de la personne plus expérimentée. J’avais prévu ce coup. Autant il y a eu toujours eu des vieux qui se sont plaints du manque du goût de l’effort, du manque de respect des jeunes, autant : a/ je n’ai jamais endossé ce costume et b/ notre époque est inédite.
Notre époque est inédite car jamais, dans l’histoire de l’humanité, il n’y a eu un tel bond fulgurant, un tel bond en avant technologique sur une période aussi courte, de quelques années. Dès lors, n’est-ce pas au contraire salutaire que de s’imposer une pause et aller au restaurant pour réfléchir de la suite à donner à l’IA.
Et en attendant qu’une réflexion intelligente et humaine émerge de ce tourbillon technologique vide de sens, restaurateurs, n’utilisez pas l’intelligence artificielle !
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Laurent Pailhès
Consultant gérant de NEO Engineering
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