Comment réussir une délégation de compétences dans la restauration ?
Le rêve de tout restaurateur, la conquête permanente, l’étoile impossible à atteindre… Qu’il s’agisse d’une gestion concédée, d’une nouvelle unité de restauration en nom propre ou d’une direction salariée, les principes de la délégation de compétences restent les mêmes. Ces principes sont connus pour la plupart d’entre eux. Et pourtant, la réalité du terrain montre qu’ils sont mal appliqués, ce qui engendre bon nombre de frustrations, quand ce n’est pas l’abandon pur et simple de toute velléité de développement. Alors, comment faire pour réussir une délégation de compétences dans la restauration ? Ou peut-être devrions-nous dire « comment être » ?
Comment la restauration intègre-t-il le concept de délégation ?
La Restauration Hors Foyer n’applique pas les principes qui donnent pourtant des résultats. L’action de déléguer demande d’abord de prendre du recul pour mieux cerner les besoins des personnes à qui on envisage de confier une forme de délégation de compétences. Les conséquences d’une délégation réussie sont mesurables. Elle peut par exemple se traduire par une disponibilité agréable du personnel auprès des clients dans un esprit d’écoute et de service. Les restaurants où les clients se sentent bien, au sens où ils ne voient pas le temps passer quand ils sont à table, sont gérés par des dirigeants qui ont instauré, consciemment ou non, une dynamique positive de délégation de compétences.
Quels sont les manquements les plus fréquents quant à la délégation de compétences en restauration ?
- Le manque de stabilité dans les décisions qui sont prises. Trop souvent, pas assez de temps est accordé pour juger de la pertinence d’une action. Celles et ceux qui œuvrent dans le restaurant se sentent alors insécures face à des décisions contradictoires au quotidien. Et si le personnel est insécure, il ne peut pas vraiment être à l’écoute des clients.
- Le fait de ne pas mesurer la capacité d’autrui à recevoir de nouvelles compétences. Le métier a du mal à recruter des personnes qualifiées. Donc, quand on trouve des personnes qui font bien le job, on a tendance à les considérer comme capable d’évoluer. Mais d’une part, cela reste à vérifier et d’autre part, il faut qu’elles aient manifesté clairement un désir d’évolution.
- Le non renoncement au pouvoir dans l’exercice managérial. On aimerait bien déléguer mais pas de perdre le pouvoir. Pas question de risquer que le travail soit moins bien fait si ce n’est pas le patron qui le fait. Vous pourrez sans peine imaginer le paradoxe, un peu caricatural sans doute, de la situation suivante : « Moi patron, je te délègue la responsabilité du service ce soir mais je veux que tu m’informes sans délai dès qu’une situation inhabituelle se présente ». Ou bien alors celle-ci : « Moi collectivité locale, je te confie la gestion de ce restaurant mais je veux que tu mettes tel type de menu et que tu ne fasses pas de livraisons de repas ». Dans les deux cas, la délégation ne peut clairement fonctionner. Lynne Burney, du cabinet LKB Associates, a écrit : « Le vrai pouvoir vient du renoncement lucide aux attributs du pouvoir. Attachez plutôt à modeler une vision. Car sans vision pour vous inspirer, vous vous condamnez à tourner en rond éternellement dans une nuit sans étoiles. ».
Les conséquences des jugements infondées sur la délégation de compétences
Déléguer n’est pas un phénomène mystique et compliqué. Mais de gros progrès sont encore à réaliser pour bien mesurer les effets qu’ont sur les gens les jugements infondées. Et c’est là où entrent dans mon propos les prophéties auto-réalisatrices. Jeffrey Pfeffer et Robert Sutton, tous les deux professeurs à l’université Stanford en Californie, ont répertorié 500 études consacrées aux prophéties auto-réalisatrices. Elles montrent que les performances dépendent très largement des attentes, qu’elles soient ou non objectivement justifiées. « Indépendamment des autres facteurs, quand les dirigeants pensent que leurs subordonnés vont obtenir de bons résultats, cela conduit à de meilleures performances. Et une attente opposée mène à de médiocres résultats », écrit Robert Sutton. Autrement dit, les théories des dirigeants sur la performance sont auto-réalisatrices.
Cela a pour effet de transformer l’entreprise en un champ de bataille sur lequel s’affrontent deux visions rivales de la nature humaine, avec des répercussions importantes, puisqu’à l’issue du mécanisme d’autoréalisation, l’une des deux opinions finira par être vraie. Supposons que la direction estime que ses employés sont fondamentalement paresseux, ne recherchent que leur intérêt personnel et ne font du bon travail que sous la contrainte. Pour en tirer quelque chose, elle s’appuiera sur une surveillance étroite par la hiérarchie et une politique d’incitation et de punition (politique de la carotte et du bâton). Mais les recherches sont claires : plus on traite les gens comme de vilains enfants, plus ils se comportent mal, justifiant même le recours à des méthodes encore plus répressives. Ce n’est pas seulement une prophétie autoréalisatrice, c’est un cercle vicieux. En revanche, une société fonctionnant sur la base de la confiance et de la coopération génère un système au sein duquel les gens honnêtes et coopératifs s’épanouissent. Et plus ces qualités fleurissent, plus elles renforcent la norme.
Les conditions d’une délégation réussie
En premier lieu, s’assurer que la personne pressentie pour la délégation soit prête à la recevoir. Cela signifie :
1. Qu’elle en ait les compétences techniques,
2. Qu’elle partage la vision que le restaurateur aura partagée pour le développement de son entreprise,
3. Qu’elle en ait envie,
4. Qu’elle comprenne que ses nouvelles fonctions ne se limitent pas à avoir des personnes sous ses ordres.
Le schéma de délégations de compétences
Déléguer, c’est confier à quelqu’un un objectif qui précise le résultat attendu tout en lui laissant la liberté de s’organiser et de faire à sa manière.
Au préalable
• Identifiez les bénéfices que vous en tirez
• Déterminez ce qui peut être délégué
• Choisissez la personne à qui vous voulez déléguer
• Fixez un objectif et non une manière de faire
• Fixez avec cette personne les étapes, les points d’échange et de contrôle
• Définissez avec elle les moyens nécessaires (temps, formation, outils…)
A l’échéance
• Dressez un bilan de la délégation
• Reconnaissez la réussite et le mérite de la personne à laquelle vous avez délégué
• Transformez la difficulté en opportunité pour apprendre
Pour en savoir plus sur la façon de mieux déléguer les compétences dans votre restaurant ou votre groupe de restauration, contacter Laurent Pailhès en cliquant ici
Laurent Pailhès
Consultant gérant de NEO Engineering
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Propos recueillis par Anthony Thiriet pour le magazine BRA Tendances Restauration.