Développement durable et restauration : mariage de cœur ou de raison ?
Autant la présentation de pratiques bienséantes pour la santé et pour l’environnement emporte l’adhésion de presque tout le monde, autant le déploiement de ces mêmes dispositions se heurte à des obstacles puissants.
A l’instar des actions concrètes très largement insuffisantes issues des commissions planétaires sur l’environnement, la restauration présente une réalité fort éloignée de la promesse marketing.
Pour se documenter sur le sujet, je recommande entre autres la lecture d’articles sur le site alimentation générale.
Quels sont les enjeux spécifiques au métier de restaurateur dans le domaine du développement durable ? Le développement durable représente-t-il une aubaine de développement ou au seulement une opportunité mercantile ? Les entreprises de la restauration ont-elles les moyens de mettre en place une réelle politique de développement durable ?
Comment aborder la question du développement durable dans la restauration ?
Pour aborder la question du développement durable, il faut élever le débat qui consiste à considérer qu’il y a des bons et des mauvais élèves. Nos ancêtres chasseurs cueilleurs étaient respectueux de l’environnement. Les paysans du 19ème siècle respectaient le cycle des saisons et des terrains en jachère. L’étaient-ils par conviction, par besoin ou par nécessité ? Comment nos ancêtres agriculteurs auraient-ils réagi s’ils avaient eu à disposition le glyphosate, dont l’utilisation a été environ multipliée par 100 depuis les années 1970 ? Je ne suis pas certain que la globalité de de nos ancêtres auraient par nature refusé les techniques qui sont considérées aujourd’hui néfastes pour la planète.
J’insiste sur ce point car mon propos ultérieur fait l’éloge de techniques passées. Je ne mets pas ainsi en valeur une époque révolue mais une pratique qui était à l’œuvre. Que cette pratique fut la conséquence des valeurs portées par l’artisan, par la nécessité de ne pas gaspiller eu égard à la rareté de la viande au sortir des guerres historiques ou par le besoin de répartir la marchandise disponible au plus grand nombre…
Peu nous importe, en matière de développement durable, seul le résultat compte.
Qu’est-ce qui peut motiver un restaurateur à se lancer réellement dans le développement durable ?
Un restaurateur est un commerçant. Dès lors, la question de l’idéologie est relative. Un restaurateur adoptera des techniques de développement durable dans son organisation s’il y voit un bénéfice mercantile ou la valorisation de sa marque. Encore que la restauration n’est pas l’industrie la plus polluante sur cette planète. Si une entreprise, dont le but est de faire du profit, œuvre dans le développement de pratiques pour contribuer à un monde meilleur, elle devient une fondation ou une organisation à but non lucratif.
Par conséquent, quels sont les éléments qui pourraient déclencher dans la restauration une véritable mise en place d’une politique vertueuse pour l’environnement ?
Je propose trois axiomes :
1) la possibilité de trouver des matières premières ;
2) l’adéquation de l’offre avec les attentes de la clientèle ;
3) la conformité avec les dispositions du législateur.
Tout se jouerait-il, essentiellement, du côté des approvisionnements ?
Sans approvisionnements en nourriture et en boissons, il n’y a pas de restaurant.
Le restaurateur est dans l’urgence de privilégier ses réseaux de fournisseurs, de les mettre en avant, voire de les aider à rester en vie. En effet, même si on peut aujourd’hui se procurer à bas prix une viande provenant d’un pays de l’Europe de l’est, l’augmentation programmée des coûts de transport fera de l’approvisionnement local une nécessité.
Privilégier le local est certes un argument marketing, mais devient aussi une nécessité. En cela, nous sommes en présence d’un marqueur fort en faveur du développement durable.
Les attentes des clients de la restauration sont-elles réellement en faveur du développement durable ?
Du côté des clients, toutes les études réalisées en occident stipulent une demande croissante en produits bio et bons pour la santé. Sommes-nous en présence d’une nécessité pour le restaurateur de s’adapter à cette demande ?
En réalité, oui et non. Le client de restaurant est paradoxal, hésitant et parfois manipulateur, eu égard aux avis capricieux laissés sur Trip Advisor. Le client de restaurant veut tout : du beau, du bon, du prix et une conscience tranquille dans son acte d’achat. Le client de restaurant veut des produits bio et veut du « gras, sucré, salé ».
Difficile pour un restaurateur de savoir où est la nécessité. Mon conseil est de privilégier un rapport qualité prix honnête reflété par un coût matière généralement autour de 28% à 32%, emballage et coût de transport inclus.
Quelle est la force de la loi sur le sujet du développement durable ?
Le législateur peut intervenir et contraindre le restaurateur dans une politique de développement durable, comme par exemple la fin de l’utilisation des emballages jetables. Ces dispositions législatives deviennent donc une nécessité pour les restaurateurs qui souhaitent rester dans le cadre de la loi.
Le problème, c’est que le législateur ne connaît pas les réalités du métier et va légiférer pour le plus grand nombre, parfois de façon arbitraire. Et quand cela ne l’arrange pas, le législateur ne légifère pas, comme par exemple sur les choses à faire en matière de prévention du changement climatique.
Ce qui reste au restaurateur, en conclusion, est la propre finalité qu’il s’impose. Pour faire du développement durable, à la base, il faut que lui-même perdure.
Par quoi cela passe-t-il, concrètement ?
Se désengager d’un modèle de rentabilité tendu est la priorité, que ce soit en termes de loyer, de choix des investissements. Choisir un lieu qui a du flux client avec un fort loyer a du sens, mais qui au final appauvrit le service rendu au client. Les points de loyer prennent des points de la valeur ajoutée. Il n’y a qu’à voir les enseignes de casual dining, et pas des moindres, qui ont mis la clé sous la porte en incluant dans leur modèle un loyer trop élevé.
Les bonnes pratiques sont celles qui sont appliquées par les gens nécessiteux. Les cuisiniers du 20ème siècle savaient éplucher à l’économe un légume, ôter le pédoncule d’une tomate et fileter une sole sans laisser de la chair sur l’arête. Ce sont les règles de l’art, de l’exercice.
La lutte contre le gaspillage en cuisine a toujours été, elle est simplement devenue moins efficace parce que l’accès aux produits industriels a apporté une réponse abondante à la contrainte de nécessité, la seule qui prévale lorsqu’on se penche sur la question de développement durable.
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Laurent Pailhès
Consultant gérant de NEO Engineering
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Propos recueillis par Anthony Thiriet pour le magazine BRA Tendances Restauration.